Le rapport de l’ANA a relevé nombre de pratiques non transparentes en matière de production publicitaire sur le marché US. Quelles sont-elles ?
Contexte
L’ANA, l’association des annonceurs américains a sorti en août un rapport selon lequel certaines pratiques en matière de production publicitaire sur le marché américain manquent de transparence (cf lien vers le rapport ci-dessous). Cette étude fait suite à un précédent rapport qui dénonçait des pratiques considérées également comme non transparentes sur le marché de l’achat d’espace publicitaire américain, mises en lumière par le cabinet K2 Intelligence mandaté par l’ANA et sorti en Juin 2016. Dans le cadre de cette première enquête, il était déjà question de pratiques visant à favoriser les maisons de production internes (in house) aux dépends de sociétés de post-production indépendantes. Par ailleurs fin 2016, le département de la justice américain a lancé une procédure de recherche d’éventuelles formes de fraudes, notamment de manipulations d’appels d’offres dans le secteur de la production. Cette procédure est toujours en cours.
Les conclusions du rapport de l’ANA
Le rapport de l’ANA s’appuie sur les conclusions d’une « task force » lancée en août 2016 et composée d’une trentaine d’annonceurs et d’une douzaine d’experts (producteurs, cost-controleurs, auditeurs, conseil juridique et K2 Intelligence). Selon ce rapport : - Il existe des problèmes de transparence de la part de certaines agences ou de groupes de communication. - L’appel à l’usage d’une société de production in-house pour l’agence pour produire une campagne n’est pas toujours transparent pour l’annonceur. - Il existe des risques de dysfonctionnement dans le process d’appel d’offres en matière de production publicitaire dans le cas où la société de production interne participe au-dit appel d’offres dans la mesure où l’acheteur est alors aussi le vendeur (conflit d’intérêt). - De ce fait, cela peut mener l’annonceur à prendre des décisions non optimales, notamment en termes de coût, pour lui. - Ces pratiques non-transparentes, lorsqu’elles sont présentes, ont pour conséquence de rendre les marchés de la production et de l’édition peu fiables et de ce fait affaiblir l’ensemble de leur écosystème. - Enfin, certains états américains ont mis en place un système de subventions pour les productions de films publicitaires. Ce système n’est pas toujours très transparent pour les annonceurs et de ce fait ces derniers peuvent ne pas récupérer les avantages financiers qui y sont liés.
Quelques exemples de pratiques non transparentes
A partir d’interviews de différentes sources concernées, le rapport fait état de différentes pratiques non transparentes en production et en post-production, comme par exemples : - Des post-producteurs indépendants ont été sollicités par l’agence pour des « vérifications de prix » sur un projet qui était destiné à être réalisé par la société in house. L’agence, dans ce scénario, a exigé qu’ils augmentent le prix qu’ils auraient fait naturellement afin que la société in house soit retenue sur la base d’un prix moins élevé, « preuve matérielle » à l’appui...Ces sociétés répondraient aux agences qui font ce type de demande de crainte de ne pouvoir poursuivre leur collaboration dans le futur. - Un autre interviewé a déclaré qu’un groupe de communication qu’il connaissait « recommandait » fortement à ses producteurs in house de confier la post-production en interne. - Certaines agences n’informeraient pas toujours leurs clients sur le fait que la société de production qu’elles proposent pour la réalisation de leur campagne publicitaire leur appartient. - Dans le cas où un appel d’offres est organisé, il existe un risque que la société de production in house puisse s’appuyer sur des informations concernant les autres producteurs indépendants participant au-dit appel d’offres, ce qui lui donnerait un avantage sur les autres compétiteurs. - ...
Les recommandations de l’ANA
Le rapport conclut en donnant certaines recommandations aux annonceurs afin que les pratiques du marché soient plus transparentes et que leurs impacts négatifs soient minimisés pour l’annonceur. Voici quelques-unes de ces recommandations : - Les annonceurs doivent être conscients que de nombreuses agences ont aujourd’hui des ressources internes en matière de production. - Dans le cadre d’appels d’offres auxquels participe la société de production in house, l’ANA recommande l’établissement d’un protocole pour éviter les conflits d’intérêts. L’association conseille aussi que les offres soient envoyées directement à un tiers (exemple : un consultant en production) ou à l’équipe de l’annonceur en premier lieu, qui ensuite les partagera avec l’agence. - Les annonceurs doivent connaître les spécificités du cahier des charges et avoir accès aux devis et factures du producteur. - Les annonceurs doivent poser des questions aux agences pour connaître l’existence ou non d’un société de production in house, savoir dans ce cas si celle-ci est amené à travailler avec eux avec ou sans appel d’offres, et s’assurer le cas échéant que s’il y a appel d’offres, celui-ci soit mené en toute transparence et loyauté. - Les annonceurs doivent si besoin revoir et mettre à jour leur contrat avec les agences de communication afin d’obtenir plus de transparence dans les process de production. - Il peut être utile de prendre un auditeur qualifié, objectif et indépendant pour vérifier que les termes contractuels sont bien respectés par les agences et les producteurs, ainsi que de compléter le contrat de production par des guidelines dans lesquelles sont détaillées les politiques du client en matière de production et ses attentes vis-à-vis de son agence et des producteurs amenés à travailler sur son projet. Puis remettre à jour régulièrement ces guidelines, celles-ci étant par nature plus souples qu’un contrat. - ...
Quid du marché de la production français ?
Le marché de la production français connaît aussi des turbulences pour certaines liées à l’arrivée sur le marché de la production publicitaire des sociétés de production in-house qui prennent une part de plus en plus active (lien vers l'article ci-dessous). Il est intéressant de noter des inquiétudes similaires des producteurs indépendants français concernant des appels d’offres manquant de transparence. L’Union des marques a prévu de lancer prochainement un guide de la production publicitaire afin de présenter les différentes formes organisationnelles qui s’offrent à l’annonceur pour produire son film pour que celui-ci puisse faire ses choix en toute connaissance de cause.