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Contrat agence / influenceur

Contrat agence/influenceur

Tribunal de commerce de Paris, 18 septembre 2024, n°2023052119, Agence d’influenceurs c/ Annonceur

[contrat agence d’influenceurs/annonceur – manquement grave aux obligations du contrat (non) - rupture fautive des relations commerciales (oui)]

Une agence de communication digitale, spécialisée notamment dans la gestion des réseaux sociaux et la mise en relation avec des influenceurs signe avec un annonceur un contrat prévoyant notamment la réalisation par plusieurs influenceuses de posts et de stories sur leurs réseaux sociaux pour faire la promotion des services de l’annonceur.

Considérant que l’efficacité de la campagne n’était pas à la hauteur de ce qui avait été convenu, l’annonceur décide de dénoncer le contrat unilatéralement, sans mise en demeure ni préavis.

L’agence intente une action afin d’obtenir la réparation des préjudices causés par cette rupture brutale du contrat.

Le Tribunal examine dans un premier temps les stipulations du contrat. Il constate que ce dernier prévoit qu’une résiliation anticipée est possible, en cas de manquement de l’une des parties à ses obligations, après mise en demeure d’y remédier rester sans effet pendant plus de trente jours. Il relève en l’espèce que l’annonceur n’a pas respecté les termes du contrat puisqu’il y a mis fin sans mise en demeure.

Le Tribunal examine dans un second temps la gravité du manquement reproché par l’annonceur à l’agence afin de déterminer s’il justifie une résiliation sans préavis du contrat. En l’espèce, l’annonceur formule quatre reproches concernant les prestations réalisées par les influenceuses : pourcentage élevé de comptes followers suspects, croissance anormale du nombre d’abonnés de certaines influenceuses, doute sur l’authenticité de certains commentaires et faible qualité de l’audience. Ces reproches sont fondés sur une analyse menée par l’annonceur via une plateforme en ligne « spécialisée dans l’analyse des comptes des influenceurs sur les réseaux sociaux » dont le Tribunal relève que « la méthodologie de mesure n’est pas explicitée ». Il considère que les manquements relevés ne sont pas suffisamment graves pour justifier une résiliation sans préavis du contrat.

L’annonceur est condamné pour rupture fautive du contrat par le Tribunal à payer la totalité des prestations prévues au contrat (3 600€), majoré du taux d’intérêt légal.

Cour d'Appel de Paris, 23 février 2024, n°23-10.389, Influenceur c/ Bolt Influence

[agence de marketing d’influence – influenceurs – contrat – mannequin (non) – artistes-interprètes (non)]

Un influenceur a conclu avec une agence un contrat de représentation exclusive d’une durée initiale d’un an, renouvelé pour deux ans. Quelques mois après le renouvellement du contrat, l’influenceur notifie à l’agence sa résiliation immédiate aux torts exclusifs de cette dernière.

L’agence assigne l’influenceur devant le Tribunal de commerce afin que lui soit communiquée la liste des prestations réalisées avant la rupture du contrat et pour rupture brutale anticipée du contrat.

Selon l’influenceur, le contrat conclu avec l’agence doit être requalifié en contrat de travail dans la mesure où il estime avoir réalisé les prestations en tant que salarié, et plus particulièrement en qualité de mannequin. Il soulevait l’incompétence du Tribunal de commerce et sollicitait le renvoi de l’affaire devant le Conseil des prud’hommes.

En effet, il considère qu’il « prêtait son image pour réaliser une présentation normée et contrôlée par l'annonceur, laquelle était exclusive de toute liberté d'interprétation au regard des instructions précises et contraignantes qu'il recevait, souvent sous la forme de feuilles de route ou de « briefs », assorties d'un calendrier de publication ». A titre subsidiaire, il revendique le statut d’artiste-interprète.

Toutefois, la Cour affirme qu’il est « manifeste que l'influenceur, qui créait des mises en scène, en fonction de choix créatifs, demeurait libre de réaliser des vidéos selon son propre style et de déterminer la manière selon laquelle il présentait le produit » et que l’influenceur « disposait d'une totale liberté choix quant à la réalisation des campagnes qui lui étaient proposées par [l’agence], et qu'il pouvait ainsi refuser d'y participer ». Par ailleurs, la Cour relève que l’influenceur ne percevait pas de rémunération pouvant s’apparenter à un salaire dans la mesure où les sommes versées par l’agence étaient des avances, déduites des factures envoyées postérieurement par l’influenceur.

Sur le statut d’artiste-interprète, la Cour relève que l’influenceur « n'avait aucun rôle prédéfini à jouer ni aucun texte à dire, dans le cadre des vidéos, mais qu'il créait lui-même des mises en scènes, afin de promouvoir les produits ».

La Cour d’appel retient donc que l’influenceur ne peut ici ni bénéficier du statut de mannequin, ni de celui d’artiste-interprète. Le contrat conclu entre l’agence et l’influenceur n’est ainsi pour la Cour pas un contrat de travail mais un contrat commercial.

Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Tribunal de commerce de Paris, 16 janvier 2023, n°J2022000630, créateurs de contenus c/ agence de marketing d’influence

 [agence de marketing d’influence – influeceurs – contrat – rupture fautive (oui) – préjudice (oui) – violation de la clause d’exclusivité (oui) – factures impayées (oui)]

Deux créateurs de contenus présents sur différents réseaux sociaux ont contractualisé avec une agence de marketing d’influence.

Pour le premier, il s’agissait d’un contrat de 2 ans, non renouvelable par tacite reconduction, aux termes duquel le créateur concédait à l’agence à titre exclusif la gestion de la monétisation de ses comptes, en contrepartie d’une rémunération globale par l’agence de 2 280 000 euros HT sur toute la durée du contrat. L’agence lui présentait les annonceurs et les produits, l’influenceur s’engageait à essayer les produits des annonceurs et à concevoir, produire et réaliser les posts ainsi qu’à les publier sur ses comptes. Pour le second, il s’agissait d’un contrat dont l’objet et la durée sont identiques, pour une rémunération de 1 680 000 euros HT.

Dès les premiers mois de collaboration, des désaccords ont surgi de part et d’autre dans les deux relations, si bien qu’il a été mis fin aux relations contractuelles. Les créateurs de contenus assignent l’agence estimant qu’elle a manqué à ses obligations contractuelles, qu’elle a résilié unilatéralement les contrats de manière fautive, et demandent réparation au titre du préjudice subi lié à la rupture fautive ainsi que le paiement des factures impayées. L’agence quant à elle soutenait l’existence de manquements à la clause d’exclusivité concédée par les influenceurs et leurs refus de procéder à plusieurs publications.

Sur l’exécution du contrat, les juges, s’en tiennent aux seuls faits établis avant la rupture conventionnelle, et non contestés, que constituent les retards de paiement ou l’absence de paiement de certaines factures de la part de l’agence.

Sur la rupture contractuelle, les juges constatent l’exécution fautive du contrat de la part de l’agence qui n’a pas procédé aux règlements des sommes dues et, par ailleurs, considère que les agissements envers les créateurs pour se libérer de la relation contractuelle constituent un cas de rupture abusive d’un contrat à durée déterminée justifiant le règlement d’une indemnité. Le tribunal considère que pour évaluer le préjudice né de la rupture fautive des relations, il convient de retenir la marge brute selon la formule « chiffre d’affaires moins coûts de revient directs ». En l’absence d’historique comptable (caractère récent de l’activité), mais à partir des déclarations des créateurs, le tribunal retient que les coûts de revient directs ne sauraient excéder un tiers du chiffre d’affaires, déduction faite des montants payés

Sur la demande de condamnation au titre des factures impayées, le tribunal considère que le caractère fautif des refus de publier certains posts par les influenceurs et le préjudice financier de l’agence qui en découlerait, ne sont pas démontrés puisque les justificatifs produits, consistant pour la plupart en échange de messages postérieurs à la rupture des relations, ne permettent pas d’établir la faute. Toutefois, les violations à la clause d’exclusivité le sont.

En conséquence, au visa des articles 1103, 1193 et 1104 du code civil, le tribunal condamne l’agence au paiement de 866 000 euros (2/3 de 1 300 000 euros) pour l’un des créateurs, 524 465 euros (2/3 de 801 742 euros) pour l’autre, au titre du préjudice né de la rupture fautive des relations par l’agence.

Par ailleurs, s’agissant des factures impayées, l’agence est condamnée au paiement de 216 000 euros pour l’un des créateurs (306 000 - 90 000, c’est-à-dire le total des factures impayées pour ce créateurs minoré de l’indemnité pour violation de la clause d’exclusivité), 190 000 euros pour l’autre (250 000 - 60 000).

Les dépens sont également mis à la charge de l’agence.