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Décisions Focus de la veille 2021-1 : Responsabilité des marques à l'égard des tiers et engagements volontaires; Alcool, loterie publicitaire et offre promotionnelle

Focus jurisprudentiel de la veille juridique de l'Union des marques 2021-1.

Resposabilité des marques à l'égard des tiers & engagements volontaires

Par cet arrêt, la Cour d’appel déboute de leurs demandes plusieurs associations de protection de l’environnement qui agissaient sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l’annonceur au motif que celui-ci n’avait pas respecté la recommandation « Développement durable » de l’ARPP et que la campagne publicitaire en cause avait fait l’objet d’avis du jury de déontologie publicitaire de l’ARPP. L’obligation pour l’annonceur de respecter la charte et les recommandations de l’ARPP est pour la Cour de nature contractuelle.

CA Paris, 23 janvier 2020, Association Réseau Sortir du nucléaire, France nature environnement et autres c/ EDF

(Allégations environnementales – recommandation ARPP – quasi-contrat – responsabilité contractuelle – responsabilité délictuelle – avis du JDP)

Des associations de protection de l’environnement ont assigné en responsabilité délictuelle un annonceur au motif qu’il n’aurait pas respecté la recommandation Développement durable de juin 2019 de l’ARPP.

Les messages litigieux concernés étaient les suivants :

      • « 100% d’électricité produite sans émission de CO2 en Alsace » figurant sur un bandeau orange au milieu de données chiffrées ;
      • « EDF Partenaire officiel d’un monde bas sans carbone » figurant sur des visuels qui montrent un barrage hydraulique et des éoliennes en mer ;
      • « 98% de notre électricité produite en France est sans CO2 ».

Une publicité représentant une cascade en forme de cheminée de refroidissement dans un environnement montagneux était également en cause.

Les requérantes soutenaient que l’annonceur était tenu d’une obligation de résultat de ne pas contrevenir aux recommandations de l’ARPP au titre d’un quasi-contrat.

Le tribunal de grande instance a rejeté les demandes des associations en retenant que l’obligation pour l’annonceur de respecter la charte et les recommandations de l’ARPP était de nature contractuelle. Par ailleurs, il a rejeté l’existence de tout quasi-contrat en relevant que « l’engagement juridique de nature contractuelle auquel s’oblige l’annonceur qui adhère à l’ARPP, en ce qu’il ne procède pas de faits purement volontaires au sens de l’ancien article 1371 du code civil, ne revêt pas les caractéristiques d’un quasi-contrat et ne fait naître aucune obligation, de résultat comme de moyen, au profit des tiers auquel le message publicitaire litigieux est délivré ».

La Cour d’appel confirme le jugement sur ce premier point.

Par ailleurs, les associations invoquaient la responsabilité délictuelle de l’annonceur en soutenant que celui-ci avait méconnu les règles de déontologie publicitaires qu’il s’était engagé à respecter et avait induit le public en erreur quant à la réalité écologique de ses activités. Ce faisant, l’annonceur avait, selon les associations, mis à mal les efforts humains et matériels mis en place par elles. Elles relevaient à cette occasion que les publicités litigieuses avaient été réitérées dans un court laps de temps puis avaient été retirées après les avis du jury de déontologie publicitaire de l’ARPP. Sur ce fondement, elles sollicitaient la réparation de leur préjudice moral à hauteur de 15.000 euros.

Sur ce second point, la Cour confirme une nouvelle fois le jugement de première instance qui avait relevé qu’aucune faute de l’annonceur ne saurait résulter des avis du jury de déontologie publicitaire ceux-ci n’étant assortis d’aucune sanction et étant nuancés à leur lecture intégrale. En outre « la notion selon laquelle les publicités sont susceptibles d’induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur en méconnaissance du point 1.1 de la recommandation Développement durable est insuffisante à établir une faute délictuelle d’EDF à l’égard des associations en tant que tiers au contrat ». Enfin, les associations échouaient à démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain en lien avec les manquements aux recommandations de l’ARPP.

Alcool, loterie publicitaire et offre promotionnelle

La Cour de Paris précise dans cet arrêt que les loteries publicitaires ayant pour lots des boissons alcoolisées sont licites dès lors que l’article L.121-36 du code de la consommation relatif aux loteries ne l’interdit pas et que la communication relative à ces lots est portée sur un support autorisé par l’article L.3323-2 du code de la santé publique et répond aux exigences de l’article L3323-4. Le visuel relayant une offre promotionnelle « 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons pour 10 euros seulement » est quant à lui jugé illicite  « compte tenu de la présence d’un dessin de jetons de jeux du casino », l’association entre boisson et jeux de hasard excédant les références autorisées à l’article L.3323-4 du CSP.

CA Paris, 3 décembre 2020, ANPAA c/ MKTG France, Vranken Pommery Monopole, Vranken Pommery Production et Bollore Digital Media

(Alcool – publicité illicite – loterie publicitaire intitulée « champagne à vie » - lots de boissons alcooliques – offre promotionnelle concomitante « 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons pour 10 euros seulement » - article L 121-36 du code de la consommation – visuel lié à des jetons de jeux de casino)

L’ANPAA a assigné des sociétés de production de champagne et la société éditrice d’un journal pour publicité illicite en faveur d’une boisson alcoolique.

Etaient en cause la publication concomitante, notamment dans un journal quotidien numérique, d’une offre promotionnelle « 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons pour 10 euros seulement » et d’une loterie publicitaire intitulée « champagne à vie ».

Concernant la loterie publicitaire, la Cour relève que l’article L 3323-2 du code de la santé publique, « lorsqu’il liste les supports autorisés énumère les supports matériels des publicités et non la nature de la communication promotionnelle ». Elle poursuit en précisant que « le jeu concours, dont le ou les lots seraient des boissons alcooliques est soumis aux dispositions de l’article L 121-36 du code de la consommation qui n’interdit nullement de tels lots ; que seule la communication de l’entreprise autour de cette loterie, dans la mesure où elle répond à la définition de l’article L 3323-2 du code de la santé publique, est soumise au régime légal des publicités en faveur des boissons alcooliques ». Pour mémoire, l’article L 121-36 du code de la consommation prévoit la licéité des opérations promotionnelles tendant à l’attribution d’un gain ou d’un avantage de toute nature sous la seule réserve que celles-ci ne soient pas déloyales au sens de l’article L 120-1 du même code.

L’organisation d’une loterie publicitaire avec des boissons alcoolisées comme lots est donc pour la Cour d’appel tout à fait possible dès lors que la communication relative à l’organisation de la loterie respecte les articles L 3323-2 et L3323-4 du code de la santé publique.

Concernant l’offre promotionnelle, celle-ci était accompagnée d’un visuel comprenant un dessin de deux coupes de champagne inclinées l’une vers l’autre, « trinquent », du logo d’une marque de champagne et de l’invitation à tenter de gagner une bouteille de champagne par mois à vie.

La Cour a considéré qu’il s’agissait d’une incitation à la consommation d’une boisson alcoolique relevant de l’article L 3323-4 du code de la santé publique. Les juges ont considéré que « la présentation flatteuse du produit par la mise en valeur de sa couleur et de sa pétillance comme la référence à son mode de consommation par l’inclinaison des coupes qui miment le geste de trinquer ne peuvent pas être critiquées puisqu’elles renvoient, d’une part, aux caractéristiques objectives du produit et d’autre part, à un mode de consommation coutumier ; qu’il en est de même des mentions relatives aux conditions (prix notamment) et au lieu de vente ».

En revanche, pour la Cour, le visuel associant à la boisson le dessin de jetons de jeux du casino et donc l’univers des jeux de hasard dont le déroulement est partiellement ou totalement soumis à la chance est constitutif d’une publicité illicite. Cette référence excède, pour la Cour, les références autorisées par l’article L 3323-4 du CSP.

Outre, le journal numérique, ce visuel était repris sur le site de l’annonceur www.champagnea vie.com et sur les pages des réseaux sociaux de l’annonceur. Les sociétés productrices de champagne sont condamnées à payer à l’ANPAA la somme de 9000 euros et le journal en ligne est condamné à payer à l’ANPAA la somme de 3000 euros.

 

 

Juridique et fiscale