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C’est quoi l’écriture responsable ? par Jeanne Bordeau

Adieu les « fake news » et les sur-promesses, une vaste part des marques sait et sent qu’est en train de naître la nécessité d’une écriture responsable. Le langage dessine l’époque et ses évolutions. Et depuis quelque temps déjà le mot responsabilité est devenu pour les marques un maître mot. Il est souvent accompagné du mot authenticité.

Une écriture responsable est en train de naître. Elle correspond à la demande de vérité qu’exige le public qui souhaite des « achats de sens »

C’est une écriture authentique, cohérente qui fournit d’abord de la pédagogie, qui crée des liens et peut éventuellement tisser un récit. C’est une écriture qui utilise l’émotion avec modération et doigté. C’est un nouveau langage écrit à quatre mains qui se co-construit entre les collaborateurs et les clients.

Plus que jamais Les marques responsables doivent irriguer dans leur langage les valeurs qu’elles revendiquent. Le « dire » c’est le « faire ». Et ce, encore plus quand les valeurs brandies, les traits de personnalité ou les principes d’action de ces marques résonnent de mots emplis d’emphase comme « respect », « sincérité », « engagement »…, mots auxquels le public accorde beaucoup d’importance. 

Il y a eu des marques visionnaires comme Patagonia et Agnès B, qui, dès les années 70 et 80, ont eu un projet social, humain et économique qui dépassait le cercle restreint de leur propre rentabilité.

Les marques patrimoniales ont, elles aussi, été fidèles à des objectifs de loyauté et de durabilité fondés sur la confiance d’un lien établi dans le temps avec leurs clients. Leur langue était d’ailleurs le plus souvent concrète, elle fondait une démonstration, fournissait une liberté de regard et ne possédait aucune peur de dire ce qui était.

Quels sont les événements qui ont poussé les marques vers une écriture responsable ?

Bien des événements ont marqué l’histoire des marques. L’époque a enrôlé au fur et à mesure les entreprises qui ont dû se plier - parfois sans l’avoir prévu - à cette demande d’honnêteté et d’engagement exigée par un public ayant perdu confiance. Et la crise sanitaire ne fait qu’amplifier ce besoin de réassurance et de cohérence.

En 1987, le rapport de la commission de Brundtland fait apparaître la notion de développement durable. Mais ce sont, hélas, les crises en série qui ont poussé les clients à exiger des preuves et une écriture trempée dans l’encre de la vérité. Tchernobyl, Bhopal, les attitudes inconséquentes répétées de certains, le « dieselgate » et le « horsegate » ont fait des clients, des électeurs militants qui veulent choisir leurs marques comme s’ils votaient.

En 2001, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) va obliger les entreprises cotées en bourse à inscrire dans leur rapport annuel les conséquences sociales et environnementales de leur activité. En 2007, le Grenelle de l’environnement va faire franchir un nouveau pas.

De plus, à partir de 2005 l’apparition des réseaux sociaux a fait entrer la planète et ses consommateurs en une conversation quasi mondiale qui a amplifié le besoin de vérification, de recherche des sources : « Fact checking », « Yuka », « Avis Vérifiés »…, la liste est longue. Et c’est ainsi qu’a commencé de se jouer une musique orchestrée par le public qui ne veut plus de fausse note.

Le client lors de ses conversations se sent d’égal à égal et peut interpeller une marque sur son comportement, parler en ligne de ses mécontentements et s’attendre à des excuses.

La justesse de langage de ces mêmes marques doit donc se nourrir de preuves pour incarner leurs engagements. Elles doivent raconter une histoire construite et pertinente, et pas des histoires !

Par ailleurs, les dimensions sociales, la parité ou la diversité vécues par une marque sont entrées dans le ballet des demandes des clients. La marque doit être entièrement responsable. Le « me too » est passé par là. Et la révolte du « Black lives matter » aussi.  Et quand le client élit une marque, il prend en compte non seulement les produits vendus mais aussi les causes que la marque soutient.

La loi Pacte et la raison d’être

De plus, certaines entreprises lèvent le rideau sur la parole de leurs employés ambassadeurs et de leurs clients afin de fonder du sens et d’exprimer cette raison d’être dont la loi Pacte vient récemment de couronner l’ardente nécessité.

Car qui mieux que celui qui fabrique et fait, sait ? Qui mieux que celui qui achète, ressent, et éprouve, peut commenter ? La parole des collaborateurs s’écrit à quatre mains avec celle des clients et cette langue co-construite crée désormais le capital confiance d’une marque.

Cette manière d’écrire et de rendre le client plus conscient et plus éveillé aide à coudre la fiabilité d’un écosystème de langage responsable.

On va se souvenir qu’être responsable, c’est « répondre de ».

Dans tous les domaines, du côté de l’agroalimentaire, des cosmétiques, des banques, des transports, tout doit être éco-responsable. Avant, pendant et après l’arrivée du produit sur le marché, le client peut tout savoir ! Le consommateur est de plus décrété « empowered », traduisez autonome, lucide et capable de juger ! Et sa lucidité crée une tension complémentaire qui aide à distiller ce sens et cette loyauté que l’entreprise ne peut plus ne pas posséder. Et avec la loi Pacte, la nécessité de parler de sa raison d’être vient confirmer pour les marques, la nécessité de savoir dire.

 

Jeanne Bordeau, le 15 octobre 2020, www.madamelangage.com,

In Le nouveau pouvoir du langage