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Covid-19 : Quels impacts sur la fonction Insights & Analytics ?

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Le collectif Insights Hub & l’Union des Marques,  accompagné par Emmanuel Huet, membre Insight Hub - ex leader du Center for Customer Insight au BCG/fondateur Viktahu, ont (virtuellement) réuni près d’une quarantaine de directeurs Insights & Analytics afin de faire un état des lieux de l’impact de la crise sur leur fonction.

3logos.png En amont, un questionnaire leur avait été adressé pour identifier les éléments clés de ces impacts. Ils ont été interrogés sur leur rôle en lien avec les questions « business » prioritaires pour leurs entreprises dans le contexte de la pandémie de Covid 19, sur la gestion des activités d'études et recherche mais également sur l’anticipation des changements durables dans les usages & attitudes des consommateurs. Passage en revue de ces impacts.

Il convient de préciser que la crise impacte différemment les entreprises en fonction de leurs secteurs d’activité, certains ayant une activité soutenue voire renforcée quand d’autres sont à l’arrêt du fait notamment des décisions gouvernementales de confinement.

 

Enjeux business et impact sur les Insights & Analytics 

De cette consultation de responsables de la fonction Insights & Analytics, c’est la prévision des ventes à la sortie de la crise qui ressort comme le sujet le plus important suivi de l’adaptation des actions marketing (messages notamment). La question des reports ou pertes de ventes, l’anticipation de la rapidité de la reprise, l’impact sur les ventes à moyen terme sont des sujets critiques pour la gestion des affaires que se soit pour gérer les budgets ou la supply chain. Ils sont aussi complexes à analyser demandant le croisement de nombreuses sources de données (ventes, comportements consommateurs, données panels).

Si le sujet des prévisions des ventes à la sortie est considéré le plus critique, au 27 mars, les équipes Insights & Analytics ont principalement travaillé sur la redéfinition des priorités des initiatives – voir point suivant sur la poursuite des activités d’études - et sur l'adaptation des actions marketing à très court terme, notamment pour adapter les messages de communication.

Dans les autres questions business posées par cette crise inédite et auxquelles les équipes Insights auront à apporter des éclairages, l’évolution du mix de canaux de vente, très impacté durant la crise (développement du e-commerce et du drive) et son éventuel prolongement après celle-ci et enfin – voir notre dernier point – l’appréciation des changements durables chez les consommateurs et les implications de ceux-ci pour le business.

 

Gestion des activités études dans le contexte de crise

L’enjeu court terme de la fonction I&A a été la gestion des études en cours avec le choix de les maintenir, les adapter ou les mettre en pause. En parallèle, d’une réallocation des ressources autour d’études spécifiques à la crise.

En toile de fond de ces décisions, l’impossibilité de tout maintenir parce que certaines études ou tracking ne sont plus pertinents, soit du fait des réductions budgétaires, soit par l’incapacité de maintenir certaines méthodologies (par exemple les interrogations en face à face ou les tests produits).

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Sur les répondants au questionnaire, un peu moins d’1/3 ont arrêté les études de tracking, les autres les ont maintenues totalement ou partiellement pour suivre l’impact durant la crise. Les études ad hoc en cours sont, elles, plus souvent réduites, revues ou mises en suspens.  Et la grande majorité des participants ont suspendu tout lancement et développement de nouvelles études ad hoc.

La problématique de l’interprétation des résultats du fait du contexte de crise est à prendre en compte et parfois complexe « Nous sommes face à des réflexions parfois contradictoires : continuer à faire des études qui comportent un biais d’interprétation ou tout arrêter mais avec le risque de manquer de données au moment de la reprise » :

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Une des recommandations issues des échanges est l’ajout de questions sur l’attitude par rapport à la crise du Covid 19 pour comprendre le profiling de chaque répondant qui servira à une meilleure interprétation et  une éventuelle calibration des résultats. Des études comparatives entre concepts peuvent aussi être maintenues si les propositions testées ne sont pas trop affectées par le contexte (exemple, thématiques d’hygiène, de sécurité…).

Pour aller plus loin : Certaines études ont été maintenues mais leur mode de recueil a dû passer en 100% online, Ipsos publie un guide pour préparer et gérer ses changements

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Au-delà du maintien des études prévues, la crise du Covid-19 soulève des questions spécifiques à éclairer dans un contexte particulier pour la réalisation des études. Une de ces problématiques est l’adaptation des messages émis par la marque (contenu & tonalité). Les enjeux de prise de parole des marques & du marketing mix actuellement sont multiples (cf « Crise Covid-19 – Les do & don’t de la relation marque/consommateurs »), la fonction Insights est mobilisée pour accompagner les équipes marketing sur la recherche des axes de communication et autour du choix de la tonalité des messages.  Dans un contexte d’urgence et où la conduite d’études qualitatives classiques n’est pas possible, le social listening se révèle un outil clé pour comprendre les thématiques de conversation pertinentes pour les consommateurs.  Cela permet d’adapter de manière réactive le ton et les messages afin d’être toujours en phase avec les problématiques des consommateurs qui sont encore plus mouvantes et particulières actuellement. Le social listening a aussi permis à certains de détecter les phénomènes de rejet de certaines communications développées avant la crise et avec des thèmes et une tonalité aujourd’hui inadaptée.

Un sujet en anticipation de la sortie de crise est aussi le test des copies pub prêtes avant la crise qu’il faut sans doute retester pour voir si elles sont toujours pertinentes voire acceptables pour les consommateurs après l’expérience de cette crise et l’état d’esprit qu’elle induit.

En complément du social listening, les communautés de clients online pour les marques qui en disposent sont une façon de recueillir rapidement des insights sur des changements de comportements et d’attitudes dans ce contexte et ce de manière spécifique pour les catégories ou marques  de l’entreprise.

A l’heure de l’intelligence artificielle et du Precision Marketing, l’échange a aussi soulevé la question de la pertinence et du maintien des modèles algorithmiques de personnalisation marketing quand les comportements d’achats sont si atypiques et contraints. Il en est de même des algorithmes de prévisions des ventes. Des exemples d’expériences partagés durant la session Insights Hub incluent la suspension des campagnes automatisées et des actions de micro marketing pour privilégier des messages de communication plus « macro » par exemple sur des thèmes pertinents avec le contexte de la crise.

Concernant les modèles de prévisions des ventes, une des pistes partagées est l’intégration – avec les précautions de comparaison nécessaires - de données issues des comportements des pays qui sont en avance de phase notamment concernant la sortie de crise comme la Chine. 

Enfin, la gestion & l’animation des équipes en télétravail est un autre élément important dans le quotidien des directeurs I&A, même si c’est un enjeu qui n’est pas spécifique à cette fonction, ces derniers ont imaginé des actions qui leur sont propres. Face à l’afflux de littérature émises de toute part sur la crise et la nécessité d’en extraire les insights, une des tendances est de réallouer les équipes sur le knowledge management (collecte, compilation des informations / synthèse data & comportemental) essentiel dans cette période d’incertitude.

 

Anticipation des changements durables d’usages & attitudes des consommateurs

C’est la question qui monte en importance après l’éclatement et l’accélération de cette crise. C’est aussi la question sur laquelle les équipes Insights & Analytics sont les plus attendus et auront le plus à contribuer.

Les échanges ont montré un large consensus sur le fait que cette crise aura un impact – à mesurer - sur les consommateurs et par conséquence pour les entreprises et les marques.

Un défi qu’anticipent les équipes Insights est de trouver les ressources pour mener des études de fond sur ce sujet dans un contexte prévu de contraintes budgétaires fortes. Les études générales et l’expertise des instituts et agences sont en conséquence particulièrement attendus. Les équipes Insights auront aussi à définir des approches d’analyses pour suivre les comportements d’achats permettant des comparaisons pre-post crise.

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Il est en effet difficile, de prédire dans quelle mesure les comportements & routines initiés par le confinement (développement du e-commerce, évolution de la conso media & des touchpoints, conso indoor vs outdoor, stockage de produits, développement du DIY, arbitrage de consommation..) vont devenir des usages profonds qui modifieront la relation marque/conso.

Comment alors anticiper le futur en partant d’un présent inédit ? Problématique comme nouvel enjeu de la fonction.

Néanmoins, en s’appuyant sur les 1er insights émis par la Chine (en phase de sortie de crise), certaines tendances se dégagent : la distanciation sociale se maintient avec par exemple l’usage du paiement sans contact qui s’accentue, une tendance également à des consommations groupées à domicile vs individuelles en extérieur & un usage renforcé de la livraison comme des ancrages d’habitudes.  Les attentes sur la transparence des normes d’hygiène & de sécurité alimentaire.

Il convient, cependant, d’être prudent dans l’extrapolation de ces données à d’autres zones géographiques étant donné les particularités de comportements et consommations entre pays.

2 grands scénarios se dessinent :

Hypothèse 1 - « Revenge consumption » où les individus/consommateurs après avoir été confinés et contraints de ne consommer que les produits de 1ere nécessité vont développer un fort sentiment de libération et se tourner vers une consommation plaisir comme les produits de luxe comme moyen d’augmenter l’estime de soi ou la consommation accrue de divertissements. Comme on le constate déjà sur la Chine. A titre d’exemple, en 2013 après l’épidémie de SRAS le nombre de vols avait augmenté de 200% le 1er jour férié post-crise

Hypothèse 2 - « Accentuation du repli » avec une phase de convalescence, de précautions accrues et de restrictions fortes. Un ancrage de certaines tendances identifiées avant la crise comme l’accélération des ruptures et tensions sociétales où la défiance envers les décideurs et les grandes marques transforme chaque acte de consommation en acte politique. Avec des arbitrages de consommation en faveur des circuits-courts, du local, du fait-maison ..

Face à ces incertitudes et aux interprétations et projections contradictoires qui peuvent être formulées, une des recommandations est de privilégier l’observation fine et continue des comportements des consommateurs plutôt que des projections hypothétiques

Faire de la recherche en temps de crise permet aux entreprises de mieux prévoir et de se préparer à ce qu’il faut faire ensuite. En temps de crise, les attitudes et les comportements des consommateurs sont en pleine mutation, et certains d’entre eux deviendront permanents.

Cet échange a mis en lumière le rôle essentiel et encore renforcé de la fonction Insights & Analytics pour conduire les entreprises dans une approche de « consumer centricity » dans le contexte de cette crise atypique où l’individu/consommateur reprend le contrôle.

Illustration : São Paulo (March 18th) – The New York Times

English version available

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Thématique : Insights & Analytics, Marketing
Rédigé le 27 mars 2020
Contact : Meryem AMRI, Directrice Connaissances & Expérience Clients mamri@uniondesmarques.fr